Appel à communicationsDepuis une vingtaine d’années, les travaux de recherche sur les friches urbaines se multiplient, à la fois en urbanisme, en géographie, en sciences sociales et plus récemment en écologie et en sciences du sol. « Friches urbaines », « vacants », « délaissés »… De la diversité des noms et des définitions, des caractéristiques communes émergent : ces espaces sont dépourvus d’un usage officiel, ils sont temporaires, ils sont situés en zone urbaine. Très variables dans leurs forme et dimension, leur place dans le gradient urbain, leur longévité, les friches urbaines sont généralement présentes dans toutes les villes, quelle que soit leur taille. Il s’agit d’anciens champs cultivés englobés dans la ville par l’étalement urbain, ou bien d’anciennes zones résidentielles, d’activités industrielles ou de services, inscrites dans une dynamique de renouvellement urbain ou de désurbanisation. Dans tous les cas, l’existence des friches urbaines est intimement liée à l’évolution des villes : elles en sont partie intégrante. Ce colloque s’adresse à la communauté scientifique et aux praticiens (gestionnaires, etc.). Il traitera des friches urbaines et plus particulièrement de celles qui sont totalement ou partiellement végétalisées. Il se propose d’interroger les rôles joués par les friches dans la trame verte urbaine, en questionnant notamment leurs différences par rapport aux autres espaces végétalisés en ville (Saint-Laurent, 2000).On se demandera si les friches peuvent être considérées comme des espaces verts informels (Rupprecht et al., 2015) et dans quelle mesure elles conduisent à penser différemment la nature en ville (Rink et Herbst, 2012). Trois axes seront considérés, liés à trois enjeux majeurs : sociaux, écologiques et urbanistiques. Axe 1. Friches urbaines et habitants : usages informels et représentationsLes friches font partie du paysage urbain et du quotidien de beaucoup de citadins. Lieux de promenade, de pratiques sportives ou simplement de passage, terrains de jeu pour enfants, espaces d’isolement pour adolescents ou pour des populations « marginales »… Ces espaces délaissés par les propriétaires ou par l’action publique ne le sont pas toujours par les habitants riverains, qui y exercent des pratiques informelles plus ou moins régulières. Ces pratiques ont évolué au cours des dernières décennies, en relation avec les changements de fréquentation de l’espace public par les citadins : l’utilisation des friches urbaines comme terrain de jeu pour les enfants, par exemple, est devenue marginale, ce qui est à mettre en relation avec « l’enfermement » des enfants observé au cours des dernières décennies (Rivière, 2016). Par ailleurs, la fréquentation des friches urbaines, surtout lorsqu’elles sont situées dans d’anciennes zones industrielles, n’est pas exempte de menaces pour la santé humaine (Bambra et al., 2014). Les communications porteront d’une part sur les usages des friches urbaines par les habitants des villes : les pratiques informelles qui y sont associées sont-elles les mêmes que dans les espaces verts publics ? Quelles pratiques seraient spécifiques aux friches urbaines ? Dans quelle mesure les friches urbaines apportent-elles une réponse à la demande sociale de nature en ville, réduisant, sinon compensant, les faiblesses des espaces verts publics ? Les communications s’intéresseront d’autre part aux représentations, voire aux perceptions des friches urbaines par les citadins, notamment en comparaison avec les espaces verts habituels, davantage gérés et fréquentés. Les friches urbaines, représentent-elles des espaces plus « intimes » par rapport aux espaces verts publics ? Sont-elles associées à l’idée de nature ? Sont-elles synonymes de liberté et/ou de désordre dans la ville ? On pourra se demander si elles participent à l’amélioration de la qualité de vie en ville ou, au contraire, à sa dégradation. Les différentes représentations des friches urbaines seront questionnées, en relation avec leur localisation dans la ville, leurs usages informels, les profils sociodémographiques des habitants. Axe 2. Les friches urbaines : des réservoirs de biodiversité en ville ?Végétalisées spontanément, les friches urbaines font l’objet de l’attention croissante d’associations environnementalistes qui, confortées par les travaux scientifiques récents en écologie urbaine, y voient des lieux privilégiés de la biodiversité urbaine. En effet, les friches urbaines occupent une place particulière dans la gamme des espaces semi-naturels présents dans les villes : si elles font l’objet d’une gestion, celle-ci demeure généralement rare et irrégulière. Les friches urbaines sont ainsi les espaces les moins gérés dans la ville. Au cours du temps, ces sites peuvent développer des structures d’habitat uniques dans les zones urbaines (Kowarik, 2013), fournissant des refuges précieux ainsi que des habitats de substitution pour des espèces animales et végétales. De ce fait, des communautés floristiques et faunistiques s’y développent, influencées par les caractéristiques de ces espaces (superficie, durée d’abandon, type de sol, microclimat, type d’usage antérieur, etc.) et de ceux environnants : proximité d’autres espaces végétalisés ou d’autres friches, occupation du sol adjacente, hauteur du bâti, etc. (Bonthoux et al., 2014). La faiblesse de la gestion de ces espaces en fait les meilleurs révélateurs de la diversité du paysage urbain et de son histoire, potentiellement inscrites dans la banque de graines du sol (Johnson et al., 2018). Grâce aussi à leur longévité très variable, les friches urbaines accueillent potentiellement une biodiversité riche et variée, pouvant comporter des espèces exotiques, spontanées ou introduites dans les espaces environnants, qui peuvent se développer dans ces milieux urbains peu contrôlés (Muratet et al., 2007). Les communications porteront sur la diversité biologique des friches urbaines, et pourront la mettre en relation avec les types d’occupation du sol environnants. On pourra ainsi se demander si la proximité de corridors biologiques, comme les berges des fleuves ou les dépendances vertes des routes, influence les communautés floristiques et faunistiques des friches urbaines. Ces communautés changent-elles, sur les plans taxonomique et fonctionnel, en fonction de la superficie, de la forme, de la place des friches dans le gradient urbain ? Sont-elles en relation avec la dimension de la tache urbaine ? Sont-elles affectées par la fréquentation et les usages des habitants ? On pourra aussi questionner, inversement, l'influence des friches sur les espaces végétalisés urbains environnants. Les interventions pourront avoir également une dimension prospective, dans le contexte du changement climatique par exemple. En lien avec le premier axe, elles pourront aussi porter sur la relation qu’entretiennent les citadins avec la biodiversité des friches urbaines (Brun et al., 2018 ; Mathey et al., 2018) : est-elle appréciée par les habitants qui fréquentent ces lieux ? Est-elle simplement perçue par les usagers ? Axe 3. Les friches urbaines dans l'évolution des villes : enjeux fonciers et urbanistiquesDans un contexte de désurbanisation, la quantité de friches s’accroît fortement. À l’inverse, dans un contexte de croissance urbaine, les friches, ces espaces en attente d’un usage, sont généralement promises à être bâties. En effet, l’injonction à la densification, censée limiter l’étalement urbain, conduit les urbanistes à préconiser systématiquement l’urbanisation de ces « vides », à l’exception de ceux que l’on peut reconvertir en parcs urbains (Darly et al., 2013). Urbanisation ou reconversion vers un usage agricole ou de loisirs, voire un projet d’urbanisme temporaire, ces opérations de requalification se heurtent aux difficultés de la dépollution des sols, et sont au centre d’enjeux fonciers. Les communications porteront sur les dynamiques de production des friches urbaines en relation avec l’évolution de l’urbanisation. Quelles dynamiques urbaines ces friches traduisent-elles ? Quelles sont leurs trajectoires passées et futures ? Quelle fonction leur est-il assigné dans les documents d’urbanisme ? Les interventions pourront notamment mettre en évidence les phases d’accélération ou de ralentissement dans la production des friches urbaines, en questionnant leurs déterminants. Les friches urbaines font aussi partie des préoccupations des gestionnaires des villes, services techniques municipaux et élus locaux. Ces acteurs, tout comme les promoteurs immobiliers, les considèrent généralement comme des espaces à bâtir (Hofmann et al., 2012). Ils peinent à imaginer des usages temporaires (Lemoine, 2017) ou cherchent à encadrer rapidement les usages informels permis par le temps de veille de la friche (Ambrosino et Andrès, 2008). Les interventions pourront donc porter sur les acteurs de ces évolutions, tant publics (notamment collectivités territoriales, aménageurs publics) que privés (particuliers, entreprises, promoteurs immobiliers) : ont-ils des représentations convergentes des friches urbaines comme des « vides à bâtir » ? Au gré des projets d’urbanisation, des opérations immobilières, y a-t-il des interactions avec les habitants riverains de ces friches ? On pourra aussi se demander quelles représentations de ces espaces se dégagent des projets d’aménagement : aménager une friche serait-ce nécessairement la bâtir ?
Les propositions pourront s’inscrire dans l’un ou l’autre de ces trois axes mais les interventions transversales seront tout particulièrement bienvenues. Une sélection de textes issus des communications fera l’objet d’une publication.
Modalités de soumission des propositionsLes contributions pourront se faire sous forme de communication orale ou de poster scientifique (format A0), en français ou en anglais, à préciser au moment du dépôt. Les propositions sont à saisir sur le site dédié au colloque : urbanwastelands.sciencesconf.org. Elles comporteront un titre, 5 mots-clés, un résumé de 3000 caractères maximum (espaces compris), en français ou en anglais.
Date limite de soumission des propositions repoussée au 20 novembre 2018. Envoi des avis aux auteurs : fin janvier 2019.
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Références citées Ambrosino C., Andrès L. (2008) Friches en ville : du temps de veille aux politiques de l'espace, Espaces et sociétés 3-134 :37-51. doi : 10.3917/esp.134.0037 Bambra C., Robertson S., Kasim A., Smith J., Cairns-Nagi JM., Copeland A., Finlay N., Johnson K. (2014) Healthy land ? An examination of the area-level association between brownfield land and morbidity and mortality in England. Environnement and Planning A 46:433-454. doi:10.1068/a4610 Bonthoux S., Brun M., Di Pietro F., Greulich S., Bouché-Pillon S. (2014) How can wastelands promote biodiversity in cities ? A review. Landscape and Urban Planning 132:79‑88. doi: 10.1016/j.landurbplan.2014.08.010 Brun M., Di Pietro F., Bonthoux S. (2018) Residents’ perceptions and valuations of urban wastelands are influenced by vegetation structure. Urban Forestry and Urban Greening 29:393‑403. doi: 10.1016/j.ufug.2017.01.005 Darly S., Marty P., Milian J. (2013) La « nature en ville » à l’épreuve de la requalification des banlieues Le cas de Plaine Commune. Métropolitiques 1‑6. Hofmann M., Westermann JR., Kowarik I., van der Meer E. (2012) Perceptions of parks and urban derelict land by landscape planners and residents. Urban Forestry and Urban Greening 11:303‑312. doi: 10.1016/j.ufug.2012.04.001 Johnson AL., Borowy D., Swan CM. (2018) Land use history and seed dispersal drive divergent plant community assembly patterns in urban vacant lots. Journal of Applied Ecology 55:451–460. doi: 10.1111/1365-2664.12958 Kowarik I. (2013) Cities and wilderness. A new perspective. International Journal of Wilderness 19(3):32–36. Lemoine G. (2017) Usages temporaires des friches urbaines de l’Établissement public foncier Nord – Pas-de-Calais : une contribution aux villes durables ? Techniques Sciences Méthodes 3:1‑8. https://doi.org/10.1051/tsm/20173051 Mathey J., Arndt T., Banse J., Rink D. (2018) Public perception of spontaneous vegetation on brownfields in urban areas. Results from surveys in Dresden and Leipzig (Germany). Urban Forestry and Urban Greening 29 :384-392. doi: 10.1016/j.ufug.2016.10.007 Muratet A., Machon N., Jiguet F., Moret J., Porcher E. (2007) The Role of Urban Structures in the Distribution of Wasteland Flora in the Greater Paris Area, France. Ecosystems 10:661‑671. doi: 10.1007/s10021-007-9047-6 Rink D., Herbst H. (2012) From wasteland to wilderness – aspects of a new form of urban nature. In: Richter M., Weiland U. (Ed) Applied Urban Ecology: A Global Framework p. 82-92, Wiley & Blackwell, https://doi.org/10.1002/9781444345025.ch7 Rivière C. (2016) « Les temps ont changé ». Le déclin de la présence des enfants dans les espaces publics au prisme des souvenirs des parents d’aujourd’hui. Les Annales de la recherche urbaine 111:1‑17. Rupprecht CDD., Byrne JA., Lo AY. (2015) Memories of vacant lots: how and why residents used informal urban green space as children and teenagers in Brisbane, Australia, and Sapporo, Japan. Children's Geographies 1‑16. doi: 10.1080/14733285.2015.1048427 Saint-Laurent D. (2000) Approches biogéographiques de la nature en ville : parcs, espaces verts et friches. Cahiers de géographie du Québec 44:147. doi: 10.7202/022900ar
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