L'Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles met en place depuis douze ans un atelier pédagogique particulier. Les étudiants découvrent un lieu, le décrivent, produisent une esquisse par groupe, puis un projet technique et réalisent ensemble tout ou partie de leur conception lors d'un chantier de 3 jours ouverts aux riverains et associations avant de rebondir individuellement sur les bases de leurs acquis au cours de ce chantier de 3 jours. Pour ces expériences dans des lieux renouvelés tous les ans, les ressources en place, sol, végétation, habitants sont essentiels. Les lieux ne doivent pas être fragiles, les coupes, le travail avec la végétation sont effectifs même si aucune action irréversible n'est entreprise. Les friches urbaines et rurales sont un lieu d'action privilégié offrant à la fois ressources, plasticité et opportunités de redécouverte des passés riches et complexes.
Dans sa course folle vers la lumière, la végétation spontanée multiplie les semis, les réitérations aériennes et souterraines. Au contraire, les étudiants et leurs encadrants n'ont recours qu'à des moyens modestes, des outils et des gestes issus du jardinage. L'économie de moyens mis en œuvre, le recours à des techniques anciennes et rurales sur les jeunes arbres et surtout sur la strate buissonnante produisent toujours des espaces de qualité, confortables, ouverts au public. Cependant, sur ces surfaces de 1 à 6 hectares, les besoins en gestion sont mis rapidement au centre des préoccupations.
A la suite de ce mois et demi passé en période hivernale, quelques conventions de suivi ont permis à des groupes d'étudiants volontaires de suivre pendant les 3 années qui leur restaient dans leur scolarité et participer à la gestion des sites.
2 exemples permettent de retracer ces suivis.
La friche Durand dans un quartier en rénovation de Stains (93) et la Friche de la Pierrre-Fitte de Villeneuve le Roi (94), ont développé des modes d'action et des positionnement différents avec les acteurs en place.
La première était une friche provisoire dans l'attente d'une reconstruction. L'atelier pédagogique y a développé un espace public, des cultures, un poulailler. La pratique avec les habitants s'est poursuivie dans les jardins existants et le groupe d'étudiants a rebondi un peu plus loin pour s'installer à proximité du collège et cultiver des anciens potagers remblayés.
La seconde, déclarée Espace Naturel Sensible, inondable, semble davantage à l'abri des constructions. La végétation est dense sur ces sols en partie recouverts d'un remblai pollué. Le groupe d'étudiants sort vite de son rôle jardinier pour tenter de définir des objectifs à long terme et accompagner l'ouverture au public, jonglant entre les temporalités du vivant et celles du politique. Pourtant l'expérience s'arrête.
Pour chacun des lieux, il n'était possible, à l'image de l'instabilité et des mouvements de la friche, de prédire l'évolution de l'action sur les sites par les jeunes paysagistes.