La contribution questionne la place possible des friches urbaines dans le processus de traduction de la biodiversité urbaine, d'une notion normative sans normes, à un concept normatif et mesurable. En effet, depuis 2008, la biodiversité urbaine fait partie des enjeux politiques centraux des villes, désireuses de s'affirmer comme acteurs de premier plan en faveur de la réduction de l'impact des activités humaines sur la nature. Mais l'inscription de la conservation de la biodiversité urbaine parmi les objectifs environnementaux des villes, dépendait de leur capacité à surmonter le caractère trop abstrait et flou de la notion de biodiversité urbaine. De la traduction opérationnelle du concept découlait la possibilité de sa mise en action à l'échelle mondiale. C'est dans ce cadre, qu'en 2009 un groupe d'experts singapouriens du Centre National de la Biodiversité (NBC) de Singapour, a décidé de promouvoir et diriger la création d'un instrument capable de rendre commensurable la notion. À partir des données collectées lors d'un terrain ethnographique au sein du NBC entre Juillet et Novembre 2016, nous nous focalisons sur le processus de création du City Biodiversity Index, l'instrument officiel de mesure et d'évaluation de la biodiversité urbaine à l'échelle mondiale. À travers un regard qualitatif porté sur l'indice, nous allons montrer que ce processus et l'instrument produit, donnent lieu à une nouvelle conception spatiale de la biodiversité urbaine, une conception selon laquelle la biodiversité ne se compte que « par hectare ». Cependant cette « hectarisation » de la biodiversité des villes, bien qu'adaptée à des contextes urbains comme celui de Singapour, pose des questions autour de la place que cette mesure a donné aux espaces interstitiels et notamment aux friches dans des villes denses, des espaces souvent considérés comme réservoirs de biodiversité urbaine mais qui échappent à la mesure officielle.