De terres utiles à la gestion communautaire à friches : le système traditionnel de gestion de l'eau au Tamil Nadu (Inde)
Laura Verdelli  1@  , Geeva Chandana B.  2@  
1 : Ecole Polytechnique de l'université de Tours, UMR 7324 CITERES
Ecole Polytechnique de l’université de Tours, UMR 7324 CITERES
2 : Ecole Polytechnique de l'Université de Tours
UMR Citeres

La ville de Chennai, qui s'est construite à partir de la réunification de cinq villages, montrait encore, sur une carte de 1909, des grands réservoirs d'eau à ciel ouvert et une multitude de plans d'eau. Ces réservoirs (communément appelés ‘tanks'), étaient les derniers vestiges du système de gestion de l'eau traditionnel qui existait dans les villages du Tamil Nadu.

Ces réservoirs, en tant que structures de stockage de l'eau, sont les éléments visibles du système de gestion de l'eau, mais ils ne sont qu'une partie d'un système beaucoup plus vaste. L'efficacité de ces réservoirs est basée sur une gamme de pratiques liées à l'aménagement du territoire, à l'entretien de ces réservoirs, à la connexion à des réseaux plus importants et à la gestion communautaire. Les terres entourant les tanks appartenaient à la communuauté villageoise et participaient pleinement au système territorial traditionnel, assurant non seulement la collecte des eaux de la mousson, mais aussi le drainage des eaux de crue, le pâturage, la production de fruits, etc. Ces terres communes rendaient possible la mise en réseau de différents composants : l'eau, la population, l'écologie, la terre et l'économie.

Le système reposait sur une organisation autour des tanks faite de terres appartenant à la communauté (puramboke) et gérées par le Panchayat, toutefois, ces terres communes sont perçues (à partir de la période coloniale) seulement comme des terres non cultivées et sont indiquées sur la cartographie de l'époque comme wastelands. Ceci, couplé à l'èvolution societale et à l'augmentation de la pression foncière, entraine leur abandon fonctionnel progressif, qui nie la comprension du sytème dans son ensemble. Ces terres sont aujourd'hui ignorées par les politiques publiques et la planification territoriale, et fréquemment illégalement occupées et construites.

 

Seuls restent aujourd'hui quelques réservoirs d'eau, le reste des usages traditionnels ayant quasiment disparu. Cette disparition ne remet pas seulement en cause la gestion et la répartition de la ressource en eau mais celle d'un fonctionnement collectif qui devient de plus en plus individuel, voire individualiste. L'usage récent s'est éloigné de la gestion raisonnée des ressouces en raison du développement d'une mégalopole, et a entrainé la perte d'un système complexe, complet et collectif de gestion territoriale.

À travers un travail de terrain étalé sur plusieurs années, qui a porté sur : l'analyse du système de gestion de l'eau et du territoire (en particulier via la thèse de doctorat, en cours, de R.H. Rukkumany) ; des données statistiques disponibles ; une modélisation probable des données manquantes ; des observation in situ et des entretiens auprès des acteurs locaux, nous souhaitons faire état de cette évolution. Notre but est d'interroger le processus qui a porté à ce changement de regard, qui conduit des terres jadis utiles à la collectivité à etre considerer comme des friches à urbaniser.


Personnes connectées : 1