Cette recherche souhaite contribuer aux questionnements actuels sur les pratiques de l'aménagement urbain en lien avec les enjeux écologiques des politiques publiques. Les « vides urbains » qu'on s'attachera à présenter forment des reliquats de la construction de la ville. Espaces vacants, les vides urbains sont aussi le lieu de projets urbains de grande ampleur, mais leur temps d'attente prolongé leur font revêtir les mêmes problématiques que les friches et les délaissés. En effet, les vides urbains sont occupés par une végétation foisonnante, devenant un espace de biodiversité et une ressource urbaine pour de nombreuses personnes. Les vides urbains et leur absence de gestion temporaire permettent l'ancrage de différentes occupations habitantes liées au jardinage de production vivrière, d'agrément, à l'habitat dit informel. Ces occupations vernaculaires profitent d'un laisser-faire temporaire des collectivités et se constituent en économies de relation homme-nature par le bricolage et l'entraide communautaire.
Au-delà de ces pratiques d'appropriation et de ces usages, les porteurs de projets urbains mettent en mouvement ces espaces pour répondre aux enjeux de la densification urbaine et appellent à remplir le vide. D'une part, les enjeux écologiques de l'aménagement poussent les collectivités et aménageurs à un renouvellement des manières de faire. La biodiversité végétale et les ancrages habitants forment depuis peu une ressource environnementale et sociale pour la programmation urbaine du futur quartier d'habitation pour des occupations temporaires, du jardinage ou de l'agriculture urbaine. On voit alors une appropriation discursive des qualités environnementales des vides urbains. D'autre part, les exigences de la densification urbaine imposent des objectifs pour la construction de logements en grand nombre et la viabilité économique des équipements et espaces publics dans un contexte de politique intercommunale complexe. Ces nécessités économiques et politiques génèrent des mesures drastiques dans la conception et les choix de gestion de l'espace à venir : le sol accueille des dépôts provisoires, des débris issus de la démolition, la végétation est détruite, certains ancrages habitants se voient dérangés et le plus souvent expulsés. On observe une rupture dans la pratique de l'aménagement avec : (1) un détachement de la réalité sociale et des besoins humains auquel répond cet espace dans son temps d'attente ; (2) un attachement des politiques intercommunales à un paysage urbain au rendement économique. « Tous au vert ! » est l'injonction proposée par l'aménagement pour se rendre acteur d'une « ouverture » du vide au public, installant une gestion fonctionnelle de cet espace public par des acteurs privés. S'appuyant sur une étude de la fabrication urbaine avec des outils de l'enquête anthropologique sur un vide au nord de l'agglomération parisienne, cette proposition de communication reviendra sur l'appropriation et le partage du vide urbain dans les pratiques de l'aménagement public.
- Poster